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CULTURE CUTS – Culture Cuts au Musée d’Art Contemporain

Onze ans après avoir offert une reproduction de la sculpture du David au Musée d’Art Contemporain de Marseille, le plasticien Cody Choi revient investir les lieux avec Culture Cuts, exposition qui lui est entièrement dédiée. L’occasion d’opérer un retour sur quarante années d’un travail où la réflexion se mêle à la transgression.

En cuisine, lorsqu’on ajoute un ingrédient à une préparation, cela produit un mélange dans lequel les saveurs additionnées donnent un nouveau goût à l’ensemble. Par analogie, la culture contemporaine avec un grand C serait idéalement un melting pot harmonieux de l’ensemble des cultures particulières transmises par les individus d’un corps social, d’un Etat ou du monde… L’art de Cody Choi, intimement lié à son expérience personnelle, vient nous rappeler, non sans une certaine dose d’amertume, le manque de miscibilité de nos conceptions actuelles de la culture. Son travail peut être perçu comme une tentative sans cesse renouvelée de dépasser la dichotomie existante entre sa culture d’origine et celle de sa terre d’asile : les Etats-Unis et, par extension, l’Occident. D’origine coréenne, il suit dans son pays natal une formation universitaire en sociologie avant de rejoindre les bancs du Pasadena Art Center situé à vingt kilomètres de Los Angeles, après un exil politique forcé. C’est là qu’il prend conscience de l’illusion dans laquelle la culture hégémonique américaine l’a bercé depuis sa plus tendre enfance. Du mal-être que lui procure ce désenchantement, il saura puiser la force de sa création.
L’exposition monographique du [mac] a été conçue de manière à épouser et structurer la réflexion artistique du plasticien. Comme le souligne le directeur du [mac] Thierry Ollat, « chaque élément du vocabulaire de Cody fonctionne dans un tout créateur de sens et de cohérence. » Le visiteur déambulera ainsi à travers cinq principales sections, formant une rétrospective sur quarante années de travail artistique.
La critique du modernisme chez Cody Choi relève d’un projet inachevé consistant à retravailler les formes iconiques et les images véhiculées par la culture et l’histoire de l’art occidentale. Actuellement, en Occident, dixit Thierry Ollat, « on a la sensation d’une forme d’épuisement du courant moderne. » Le regard de l’artiste amène à une (re)découverte de la modernité à partir d’un point de vue excentré, et lui donne par là même un souffle nouveau. Cette volonté de dépassement ne va pas sans une certaine provocation. Ainsi, l’art de Cody Choi prend des teintes roses vives et subversives grâce à l’emploi du Pepto-Bismol® (médicament américain équivalent de nos pastilles Rennie®) et n’hésite pas à « salir » la sacrosainte iconographie de notre patrimoine culturel au moyen de reliquats de sa propre vie ou de matériaux non nobles : le papier toilette pour une reproduction du Penseur de Rodin (The Thinker, 1998), des sous-vêtements usagés pour les tableaux classiques sur l’histoire de l’art dans la série des Episteme Sabotage… A travers des matériaux courants et quotidiens, il opère un gommage des clivages entre haute et basse culture, amorçant un travail qui questionne plus largement les hiérarchies culturelles à l’international, notamment celles issues du post-colonialisme.

De l’énergie à l’œuvre
On ne peut réduire la démarche artistique de Cody Choi à son aspect subversif. Ses œuvres sont empreintes d’une vibration qui dépasse leur aspect strictement formel ou conceptuel. Son art est imprégné de vitalité. L’une des explications à cela est son recours permanent au corporel. Au-delà d’une évocation figurative, c’est bien plutôt d’essence vitale qu’il s’agit. Pour ne citer qu’un exemple, prenons celui des Scamps Scam # 1 et # 2. Dans cette série à la reproduction froide et épurée propres aux formes du minimalisme, l’artiste préfère une dérivation toute personnelle du minimalisme sculptural. Lors de performances, il vient insérer dans des volumes semblables à des boîtes des parties de corps humain ou animal dont la trace et l’énergie perdurent après l’action. On peut penser au Chi de la culture orientale, ou encore à l’action painting des années 50. Quoi qu’il en soit, l’énergie qui déborde du cadre des créations a à voir avec le choix de l’artiste de quitter « the easy road » pour prendre « la voie difficile », à l’image de son œuvre Episteme sabotage-Yes.

De l’art offensif à l’action pacifiste
Parallèlement à son travail de digestion des sources culturelles occidentales, l’artiste s’emploie à saboter le système consumériste actuel de la culture de masse. Par le réemploi d’objets manufacturés tels que de fausses chaussures Nike®, des pneus, des armes, des papiers d’emballages et des couvertures militaires concédées par les Américains aux Coréens pendant la Guerre de Corée, il dénonce la coutume du don et de la dette. C’est au travers de « sculptures méchantes » (expression utilisée pour qualifier le travail de Daniel Pomereulle) à tonalité agressive, portant le nom symbolique de The Gift, que son art met en garde contre les effets pervers du colonialisme. Constatant que la modernité imposée par l’Occident a détruit une partie du paysage culturel coréen (à l’image des habitats en ruine), sa démarche prend une autre tournure quand, en 1997, il décide de retourner en Corée. Dès lors s’effectue un renversement dans son travail : c’est la culture coréenne qu’il prend pour référentiel central. Dans cette nouvelle optique, la série de pancartes lumineuses en écriture coréenne (No Smart No Fighting) se pose comme une revanche sur l’impérialisme américain. En Corée, il effectue depuis lors un travail de transmission et ouvre son atelier aux jeunes artistes, de façon généreuse et gratuite, à l’instar de Louise Bourgeois, qui appréciait par ailleurs l’œuvre de Cody Choi.
Après son odyssée, c’est maintenant au tour de ses œuvres de suivre un itinéraire de voyage et d’exil à travers le monde, et notamment en Europe (après Düsseldorf et Marseille). Son exposition Culture Cuts met donc un point d’honneur aux rapprochements entre la France et la Corée, avec la célébration des cent trente ans de relations diplomatiques en toile de fond.


 

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